Sur la chaîne YouTube On The Top of Damavand for ever, il existe une vidéo toute particulière qui n’est ni plus ni moins que trente-quatre minutes de chant ininterrompu. Il s’agit de cette compilation magique qu’est « The Nocturne Face of Vladimir Horowitz ».

Dans ses interprétations des nocturnes de Chopin, Horowitz ne cherche pas spécialement à arrêter le temps, à mettre au jour des passions cachées ou à produire des couleurs magiques. Tout cela, il le fait bien assez et prodigieusement par ailleurs. Ici, comme il se plaisait lui-même à le dire, il chante, chante, chante…

Horowitz joue, dans cette vidéo, une certaine sélection éparse de nocturnes, mais l’on pourrait, je crois, aisément convaincre quelqu’un qui ne connaît ni Chopin, ni ses nocturnes, que tout cela fait partie d’une sorte de suite atmosphérique dans laquelle toutes ces pièces sont destinées à être jouées à la suite. C’est que l’ambiance est complètement unie : la basse est toujours noire, les lignes de chant blanches ou dorées, et les deux se meuvent synergiquement dans l’espace sonore avec une continuité envoûtante. Quant à ce que ces pièces ont à dire, Horowitz n’en altère pas une parole, il donne des accents honnêtes et cristallins, mais il s’assure en revanche que tout est chanté, avec une voix nette qui endure trente-quatre minutes de beauté lyrique.

C’est en apparence si simple, mais c’est en cela que c’est si pur. Peut-être est-ce de ce flux ininterrompu, et en quelque sorte parfait, de musique dont Busoni parlait lorsque, après avoir donné une critique assez acerbe de Chopin dans un article, il avait dit que l’essence véritable et géniale de ce compositeur se trouvait dans trois ou quatre nocturnes, soit un petit quart d’heure de musique seulement… un quart d’heure, toutefois, inoubliable.