Je me suis réveillé cette nuit pour la prière de l’aube. Après l’avoir accomplie, sur le point de me rendormir, un jet de musique m’a été inspiré pour m’émouvoir aux larmes intérieures. C’était la deuxième Nocturne de Balakirev ; plus particulièrement c’était la mélodie qui, précaire, menace de tomber dans la ravine, dont les deux flancs sont le thème principal de la pièce, celui qui ouvre les schismes dans l’âme et que l’on entend au tout début.

Je ne pensais plus à ce thème de la mélancolie, de la pénombre et de la rupture, le seul que je croyais connaître, ou du moins avoir en tête. Il ne restait que l’autre, cette promesse lumineuse qui élève encore une main blanche lorsque le corps entier semble voué aux ombres. Je l’écoutais chanter, impossible à cerner de doutes car l’inspiration ne le permettait pas, ne retenant que les fragments de lumière et me faisant oublier la noirceur de la pièce. C’était le chant pur de ce qui rapproche du plus haut, nous le fait presque connaître à l’attendrissement, nous en suggère le scintillement sans le laisser voir ou toucher.

Ce chant, c’était la promesse de l’aube naissante qui, si Dieu le veut, par tous les orages et les abysses, se régénère avec un liséré argenté et ne veut plus jamais se laisser cerner. Dans toutes les fissures se répand le halo blanc de l’aube, comme un fluide magique, et un rappel pour ceux qui sommeillent le cœur en quête de quelque grâce.